« Projet Nessie », l’algorithme secret d’Amazon qui faisait monter les prix


Système de tri dans une zone d’expédition du centre Amazon de Sacramento, en Californie, en février 2018.

Le document d’origine était lourdement caviardé, mais sa nouvelle mouture, publiée jeudi 2 novembre, éclaire d’un jour nouveau ce qui est reproché à Amazon : la Federal Trade Commission (FTC), l’autorité de la concurrence américaine, a publié une version clarifiée de sa plainte contre le géant de l’e-commerce pour « abus de position dominante », déposée cinq semaines plus tôt. La FTC y accuse notamment l’entreprise d’exercer un contrôle illégal sur les prix grâce à un algorithme de sa fabrication, baptisé « projet Nessie ».

Selon la FTC, cet outil permet à l’entreprise de prédire si les sites marchands concurrents sont susceptibles de s’aligner lorsque Amazon décide d’augmenter le tarif d’un des produits qu’il commercialise lui-même. Par exemple, si Amazon vend des baskets d’une marque connue, et qu’il songe à augmenter leur tarif, cet algorithme peut prédire si les autres sites marchands monteront également le leur. Cette information a permis au géant de l’e-commerce de renchérir périodiquement le tarif de certains articles sans risquer d’afficher des prix plus élevés que ses concurrents, ce qui aurait fait fuir certains clients.

Dans sa plainte, la FTC argue qu’« Amazon a utilisé le projet Nessie pour extraire plus d’un milliard de dollars directement de la poche des Américains, (…) privant les foyers d’options plus abordables » pour des milliers de produits. La FTC donne des chiffres plus précis pour différentes périodes, tirés d’estimations internes d’Amazon auxquelles elle a eu accès. En 2018, par exemple, le projet Nessie aurait permis à l’entreprise d’augmenter ses bénéfices de 334 millions de dollars (311,2 millions d’euros), pour un résultat net de 10 milliards de dollars (9,3 milliards d’euros) cette année-là.

Ne pas attirer les soupçons

La FTC estime qu’Amazon a utilisé cet outil de 2014 à 2019 et que l’entreprise avait conscience des limites légales de son outil, puisque, selon l’agence gouvernementale, elle a pris garde de varier les produits concernés pour ne pas attirer les soupçons et de ménager de courtes pauses, notamment pendant le « Black Friday », période où l’« attention des médias est accrue ». A l’inverse, la FTC accuse Amazon d’avoir appuyé sur l’accélérateur à d’autres moments, notamment en 2017, année où sa rentabilité était déclinante.

Si le projet Nessie est actuellement en pause, il ne serait pas définitivement abandonné. La FTC avertit qu’Amazon a étudié, en 2020 et en 2021, la possibilité de mener des expérimentations pour en améliorer l’efficacité. Et en 2022, le PDG des magasins Amazon, Doug Herrington, a suggéré que Nessie pourrait être réactivé pour gonfler les profits.

Amazon réfute toutes ces affirmations. Au Monde, l’entreprise affirme : « Nessie a été utilisé pour essayer d’empêcher que notre système d’alignement des prix n’aboutisse à des résultats inhabituels où les prix sont si bas qu’ils en deviennent non viables. Le projet (…) n’ayant pas fonctionné comme prévu, nous l’avons abandonné il y a plusieurs années. »

La FTC estime que l’emploi du projet Nessie est une « méthode de compétition injuste » appelant des sanctions, sur lesquelles elle reste floue. Selon elle, cet outil fait partie d’un plus vaste arsenal employé par la plate-forme pour gonfler les prix, augmenter les commissions prélevées auprès des vendeurs, empêcher les marchands d’offrir de meilleurs services et sanctionner ceux qui tentent de vendre moins cher. D’après l’agence, certains de ces procédés « injustes » sont encore actifs aujourd’hui.

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